|

L’intuition est-elle une bonne conseillère ?

La bonne nouvelle c’est que l’intuition existe réellement. Elle est sortie du champ de la parapsychologie où elle a longtemps été cantonnée pour accéder au statut d’objet d’étude et de recherche des neurosciences et de la psychologie.

Les neurobiologistes réussissent à en traquer le chemin dans le circuit complexe de nos réseaux neuronaux. Cette autre manière de pensée que l’on oppose souvent à la rationalité est avant tout émotionnelle, rapide (on parle de fulgurance) et généralement inconsciente au sens où elle s’exerce hors du champ de la conscience.

Loin de se substituer à la pensée rationnelle qui est elle plus lente dans son élaboration et plus réfléchie, l’intuition serait un mode complémentaire de pensée selon les spécialistes. Donc ne condamnons pas trop vite la pensée rationnelle et ne pensons pas que l’intuition est la clef de toutes les réussites. Car comme le précise le chercheur Joel Pearson « l’intuition est relative. Elle peut aussi bien nous conduire à l’idée de génie comme à nous berner ».

Si elle est à l’origine de nombreuses découvertes comme le tableau périodique des éléments de Mendeleïev ou la gravitation chez Newton, la construction de solutions opérationnelles reste elle souvent du ressort de la pensée rationnelle. En d’autres termes pour le dire avec Henri Poincaré : « c’est avec l’intuition que nous trouvons mais c’est avec la logique que nous prouvons ».

L’autre bonne nouvelle c’est que l’intuition n’est pas un talent inné et qu’elle se travaille.

 

Notre intuition nait de l’expertise

La pensée intuitive procède en quelque sorte en faisant appel à des données nées de l’expérience et de la pratique et identifie celles qui semblent les plus appropriées pour résoudre le problème.
Lorsque nous usons de la pensée rationnelle et du raisonnement conscient pour résoudre un problème, nous mobilisons de nombreuses opérations mentales et conscientes dont le siège est le cortex préfrontal. La pensée intuitive elle court-circuite le cortex préfrontal et procède en captant des signaux et en « scannant » toutes les données que nous avons engrammées par la pratique et relatives au problème à résoudre, données qui sont d’ailleurs stockées dans la mémoire à long terme. De cette opération, qui ne prend que quelques millisecondes, va émerger la solution intuitive. La pensée intuitive n’est donc pas si irrationnelle et magique que ce que nous pourrions le supposer.

La découverte majeure de ces deux dernières années met en avant l’idée que l’intuition nait de l’expertise.  La pensée intuitive procéderait en captant tout une série d’indices et en les comparant avec ce qui nous avons déjà vécu et appris. Donc si nous n’avons rien vécu ni rien appris sur une situation de la vie par exemple, la pensée intuitive sera inopérante. Comme le précise Philippe Chassy, chercheur à l’université de Liverpool, « l’intuition est un mélange de connaissance et d’émotion ».

 

Oui l’intuition est bonne conseillère mais à quelques conditions

  • Nous savons déjà que l’intuition jaillit de l’expertise, ce qui devrait nous conduire à ne l’exercer que dans des situations dans lesquelles nous avons une expertise.
  • Les spécialistes conseillent aussi de ne l’utiliser que quand nous sommes calmes. Dans les situations où la charge émotionnelle est forte, il est conseillé d’avoir plutôt recours à la pensée rationnelle.
  • Autre conseil : n’utilisez pas l’intuition pour prédire des évènements peu probables. L’absence de données et d’indices rendent l’intuition inopérante dans ces cas.
  • N’utilisez l’intuition que dans des contextes familiers et connus. Car se sont dans ces domaines que nous avons le plus d’expertise.
  • Ne confondez pas intuition et pulsion instinctive. Les émotions peuvent brouiller les signaux de l’intuition. Nous prenons alors pour de l’intuition ce qui n’est qu’une pensée guidée par notre émotion du moment.

 

Et comment la travailler ?

Question difficile à laquelle les chercheurs ne répondent aujourd’hui que timidement. Mais si on a compris que l’intuition nait d’une myriade de petits signaux inconscients que nous captons, on ne peut que vous conseiller, pour développer votre intuition, de :

  • développer votre capacité à capter ces signaux : prendre le temps de l’écoute, de l’observation afin de nourrir l’intuition et surtout avant de mobiliser la pensée rationnelle et analytique.
  • être plus à l’écoute de vous-même et de ce que vous ressentez dans une situation donnée.
  • pratiquer la méditation en vue de réduire le bruit mental de votre environnement et de mieux se concentrer sur vos ressentis.

Quant à la fameuse intuition féminine, si les femmes déclarent prendre plus souvent des décisions intuitives, la différence avec les hommes reste encore à démontrer objectivement, comme le précise Joel Pearson.