|

Sommes-nous tous doués pour aider des collaborateurs ?

Une révolution s’opère dans les pratiques managériales depuis quelques années autour de la notion de bienveillance et d’aide. Les managers sont invités à adopter une posture bienveillante dans les relations avec leurs collaborateurs et à laisser de côté les postures traditionnelles fondées sur l’injonction, l’autorité et le contrôle.

Le manager d’aujourd’hui devient un « manager-coach » qui aide, soutient, motive, facilite et accompagne ses collaborateurs avec bienveillance. Mais sommes-nous tous doués pour aider les autres et les accompagner dans leur développement ? Cette posture de manager-coach bienveillant est-elle réellement accessible à tous les managers ? Et qu’est-ce qu’une attitude d’aide bienveillante ? Par quoi se traduit-elle réellement ?

Aider l’autre pourrait sembler être un acte facile tant il semble naturel. Pour autant, pour qu’une aide soit efficace il ne faut pas en rester aux bonnes intentions. Accompagner et aider ses collaborateurs efficacement dans leur développement n’est pas donné à tout le monde. Il ne suffit pas d’avoir envie d’aider et de manifester de la bonne volonté. La posture d’aide efficace suppose déjà de se poser la question de ses capacités à respecter les 7 attitudes énoncées en son temps par Carl Rogers.

Carl Rogers avait, dans les années 60 du siècle dernier, défini 7 attitudes de la relation d’aide bienveillante :

  1. LA PRÉSENCE. La relation d’aide est d’abord une capacité à être présent à l’autre, “à être là”. C’est la disponibilité physique et psychologique que l’on a pour l’autre.
  2. L’ÉCOUTE. L’aide bienveillante suppose une posture active qui consiste à se centrer sur ce que l’autre dit ou vit sans que notre propre jugement interfère. L’écoute active met en œuvre le questionnement et la reformulation.
  3. L’ACCEPTATION. C’est la capacité à accepter l’autre avec ses qualités et ses défauts, à être dans une posture de non-jugement, à être ouvert aux émotions de l’autre et à les accepter comme telle.
  4. LE RESPECT CHALEUREUX. C’est le fait de reconnaitre l’autre comme une personne humaine digne de respect, libre et capable de prendre des décisions par elle-même. L’aide efficace suppose que ce soit l’aidé qui décide et non l’aidant.
  5. L’EMPATHIE. L’empathie est un profond sentiment de compréhension qui suppose de se mettre à la place de l’autre et de regarder les choses de son point de vue. 
  6. L’AUTHENTICITÉ. C’est la capacité à être transparent dans la relation et à se positionner dans une relation d’égal à égal. Je ne suis ni dominant ni dominé dans la relation d’aide.  
  7. LA CONGRUENCE. C’est la capacité à être en adéquation entre ce que je ressens, ce que pense, et ce que je dis.  C’est la capacité à dire les choses, à exprimer son ressenti sans agressivité et sans inhibition.

Vous pouvez faire votre propre autodiagnostic sur ces 7 points mais je vous recommande de demander à vos proches ou à vos collaborateurs de vous donner leur avis sur votre capacité à mobiliser ces 7 attitudes.

*Lire aussi : Des types de management inspirants.

5 conditions pour aider efficacement

Quand bien même vous seriez totalement au point sur ces 7 capacités, l’aide efficace répond à un certain nombre de conditions qui en garantissent la réussite.

Un principe de base : une aide n’est efficace que s’il existe une demande d’aide formulée clairement et sincèrement.

On ne peut aider des collaborateurs efficacement que s’ils sont demandeurs d’aide et que s’ils formulent clairement leur demande. Or souvent, les managers, trop contents de pouvoir se sentir utiles, répondent instantanément à la demande d’aide (fais ceci ou cela…). Dans cet empressement ils auront souvent oublié de clarifier la demande. « Qu’est ce qui te pose problème sur le dossier Machin ? Que n’arrives-tu pas à faire sur ce dossier ? ».

Nous pouvons tous utiliser les 4 questions « magiques » qui permettent de clarifier la demande d’aide :

  1. Quel est le problème ou ton besoin ? (permet d’exprimer le problème rencontré concrètement).
  2. Par rapport à ce problème qu’as-tu fait et avec quels résultats (permet de savoir où la personne en est et évite de la conseiller sur des éléments qu’elle a déjà traités).
  3. Qu’attends-tu de moi exactement ? (permet de clarifier la demande d’aide).
  4. Que fais-tu demain ? (permet d’accompagner l’action future).

La question « qu’attends-tu de moi ? » permet à l’autre de clarifier sa demande d’aide et lui permet d’y voir plus clair dans son propre besoin. Elle est généralement extrêmement puissante.

La question « que fais-tu demain ? » est une manière pour l’aidant de permettre à l’aidé de formaliser un plan d’action concret après l’échange. Une aide efficace va jusqu’à cette étape et ne se contente pas de donner des conseils. Elle suppose d’aider l’autre à les transformer en action.

1- Avoir sincèrement envie d’aider des collaborateurs

Rien de pire que l’aide apportée par devoir et non par envie.

Nous ne sommes pas toujours disponibles pour aider l’autre. Quelquefois ça n’est pas le bon moment, nous ne sommes pas disponibles psychologiquement. Dans ces cas-là, n’hésitez pas à temporiser. « Là aujourd’hui vraiment ça n’est pas le bon moment. J’ai trop de pression et je dois me concentrer sur un sujet prioritaire. Je te propose que nous revoyions cela dans 2 jours, je serai plus au calme ».

L’envie d’aider dépend aussi de l’attitude de l’autre. La relation d’aide ne peut s’établir que dans une relation saine.

Un collaborateur vient vous voir pour la troisième fois avec le même problème. Il vous teste ou il a décidé de vous faire perdre votre temps. Bref, il vous manipule. Autre interprétation : il est dans une dépendance vis-à-vis de vous et il ne sait pas décider sans passer par votre validation. Dans ce cas, refusez l’aide car elle ne sera pas efficace mais expliquez-en le pourquoi sincèrement : «tu m’as déjà posé 3 fois la question cette semaine et je t’ai répondu, donc je pense que tu peux très bien résoudre ce problème sans moi. Essaye et reviens me voir si nécessaire. ».  

Autre cas de figure, le collaborateur vous envahit considérant qu’il est de votre devoir de l’aider sur tous les sujets. Sa demande d’aide est véhémente, impatiente et considérée comme un du. La personne se comporte en consommatrice d’aide. Dans ce cas, refusez ou temporisez l’aide en la soumettant à une condition : du respect dans les relations.  « J’entends que tu respectes et que tu prennes en compte mes contraintes. Je ne peux pas t’apporter de l’aide si tu me mets cette pression. Fais-moi une liste de tes besoins avec des niveaux d’urgence et je te dirai comment et quand je peux t’aider ».

Enfin on notera aussi le cas du collaborateur qui demande de l’aide et à qui vous allez consacrer du temps et qui refusera tout ce que vous lui proposez parce qu’au fond de lui, il a déjà décidé de ce qu’il allait faire. Dans cette situation, soyez là aussi clair sur votre position : « tu me demandes de l’aide mais tu refuses toutes les propositions que je te fais. Je me sens totalement inutile et je me demande pourquoi tu me demandes de l’aide alors que tu as déjà décidé de ce que tu allais faire. Peux-tu m’expliquer ?».

Notre cerveau intuitif perçoit généralement très bien ces situations et leurs intentions cachées et cela ne nous incite pas à renouveler l’expérience. Avoir envie d’aider l’autre ne dépend pas uniquement de nous. L’attitude de l’autre est aussi déterminante.

C’est pourquoi la question qu’attends-tu de moi est primordiale car elle oblige l’autre à formuler clairement une vraie demande d’aide et à l’aidant de vérifier si la demande d’aide est sincère.

« Mon aide n’est pas gratuite » est aussi un message qu’il faut quelquefois savoir faire entendre. Non pas qu’il faille la monnayer mais le temps, l’énergie et l’attention que je porte à l’autre dans la relation d’aide mérite un temps, une énergie et une attention réciproque et… de la reconnaissance. Un simple « merci pour ton aide » y suffit. Encore faut-il qu’il soit prononcé.

2- Aider si la demande est dans son périmètre de responsabilité et d’action.

Comment aider un collaborateur efficacement si l’aide demandée échappe à mon périmètre de responsabilité et d’action ? Les philosophes grecs, que l’on appelle les stoïciens, posaient la question suivante : Pourquoi vouloir dépenser de l’énergie à vouloir changer ce qui ne dépend pas de soi ? La relation d’aide implique aussi cette part d’humilité qui consiste à savoir dire à quelqu’un qu’on ne peut pas l’aider sur certains sujets. Car laisser croire à l’autre qu’on va pouvoir l’aider sans avoir de pouvoir d’action sur le problème, c’est créer de l’illusion et de la frustration à terme.  « Je ne peux pas t’aider sur ce problème car cela ne dépend pas de moi » est une parole préférable à celle qui consiste à prendre un engagement dont on sait qu’on ne pourra pas le tenir.

3- Avoir les compétences pour aider des collaborateurs

Dans le modèle des Etats du Moi de l’analyse transactionnelle, le Parent Sauveur est l’archétype même de la personne qui veut aider quelles que soient les circonstances et même lorsqu’elle ne possède pas les compétences adéquates pour le faire.  L’aide est alors improductive et frustrante, voire dangereuse pour la personne aidée. Là encore il faut suffisamment d’humilité dans la relation d’aide pour pouvoir dire à quelqu’un que l’on n’est pas le mieux placé pour l’aider et de l’orienter vers la bonne personne.

4- Définir les responsabilités de chacun

Tout ne dépend pas de l’aidant. Dans la relation d’aide, chacun prend sa part. La responsabilité est partagée. Certaines choses dépendent de l’aidant et d’autres de l’aidé. La relation d’aide efficace sait faire le tri entre « ce qui dépend de moi et ce qui dépend de toi ». Et il est souvent utile de poser en préalable à toute aide, ce principe de base et de préciser jusqu’où va l’aide et à quel moment l’aidé prend le relai : « Je te montre comment faire mais je ne fais pas pour toi ». C’est la différence qui existe entre l’aide et l’assistanat. Donc il est important de fixer rapidement les limites de l’aide et d’indiquer clairement jusqu’où elle va.

5- Commencer par questionner pour approfondir le problème

Il est tentant lorsque l’on est un expert de répondre instantanément à une demande d’aide par un conseil. « Et bien fais ceci ou fais cela et tu verras ça ira mieux » au lieu de questionner le problème. Quand bien même ce conseil s’avérerait au final judicieux, l’attitude de conseil immédiate n’est pas favorable à une relation d’aide efficace et ce pour plusieurs raisons :

  • En questionnant vous allez approfondir le problème et peut-être vous rendre compte que son origine n’est pas soluble dans votre conseil de départ. En questionnant, vous pourrez au final prodiguer un conseil plus judicieux. Pour questionner, vous pouvez utiliser la méthode des 5 Pourquoi qui consiste à remonter à la cause racine d’un problème en posant systématiquement la question « pourquoi ».
  • En questionnant vous permettez à la personne de prendre conscience par elle-même de ce qui est à l’origine de son problème. Vous la mettez en capacité d’analyser par elle-même son problème et de trouver la solution par elle-même. Vous la rendez autonome. Cette méthode est vieille comme le monde. On appelle ça la maïeutique socratique. L’intérêt étant que, en analysant son propre problème, l’aidé va découvrir la solution par lui-même et donc la mettre en application plus sûrement que si elle lui était apporté par un tiers, aussi expert soit-il.
  • Enfin, en questionnant vous montrer à votre interlocuteur que vous avez à cœur de comprendre son problème et que vous vous impliquez réellement dans la relation d’aide.  On juge souvent la qualité d’un accompagnant au nombre de questions qu’il pose.

Pour rester informé-e sur nos thématiques managériales,
abonnez-vous à notre newsletter

découvrir Cinaps
communication newsletter
frédéric botter

Frédéric Botter, consultant formateur, responsable de projet Cinaps