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Réunion : comment recréer l’union ?

Dans notre salle de réunion, chez Cinaps, nous avons un dessin illustré de VOUTCH, que j’aime beaucoup, d’un collectif s’interrogeant : « Personne ne sortira de cette pièce avant que nous ayons pu répondre à ces deux questions : qui a organisé cette réunion ? Dans quel but ? ». Cette petite pointe d’humour nous questionne régulièrement, si besoin est, sur la pertinence ou l’efficacité des réunions que nous engageons.

Comme cette équipe, toute organisation peut se poser ces questions : est-il nécessaire de réaliser cette réunion ? Sommes-nous dans de bonnes conditions pour résoudre les questions qui se posent ? Sommes-nous au clair sur le why, how, what* (le « pourquoi, comment, quoi ? » de Simon Sinek) de ce rituel incontournable et néanmoins très chronophage employé dans toutes les organisations ?

Deux dangers guettent irrémédiablement tout participant à une réunion :

  • Les egos prennent bien souvent le pas sur l’enjeu de la réunion.
  • Les enjeux de pouvoirs et d’intérêts peuvent générer des tensions et rendre l’exercice stérile, voire douloureux.

Alors, comment rendre les échanges plus constructifs et efficaces, voire agréables (je sais, c’est beaucoup demander) ?


1- Le coeur de la réunion : maîtriser la chambre d’échos des egos

La réunion est souvent le lieu de l’expression et de médiatisation d’un rapport de pouvoir ou d’influence.

En effet, au-delà de l’objectif affiché de la réunion, la réunion focalise le besoin de faire « briller son ego », « tirer la couverture à soi », même inconsciemment. Mais l’ego peut aussi s’exprimer en « réaction », « en passivité » ou en « sabotage » pour attirer l’attention sur soi. C’est ainsi que l’échange sur le choix d’une solution optimale pour le collectif peut vite se transformer en jeu d’argumentation et d’influence pour faire passer son idée plutôt que de choisir celle d’un collègue, qui pourtant, avait tout son intérêt. Les autres participants devenant ainsi les spectateurs d’une joute d’idées qui, au final, ne porte plus réellement sur les solutions elles-mêmes.

 

 

Comment laisser son ego au placard ? N’est-il pas humain de vouloir défendre ses idées ?

Oui, c’est noble, si cela correspond bien à l’objectif de la réunion et si cela n’empêche pas l’écoute des autres idées. Pour nous prémunir de ce risque il existe des solutions qui font évoluer, non seulement le principe de la réunion, mais également la nature des liens et des échanges au sein d’un collectif.

> Passer du statut au rôle

Inspirés par les principes de l’holacratie, une première recette consiste à bien faire la différence entre le statut des participants à une réunion et leur rôle. Quelque-soit mon statut, le principe consiste à définir des rôles, au regard des objectifs de la réunion et des participants, indépendamment de mon statut et de ma fonction. Ce n’est pas une personne avec son statut qui participe, mais un membre du collectif avec son rôle dédié (je ne suis plus le responsable du service mais, au cours de cette réunion, je suis le « synthétiseur », je suis le « contradicteur technique » ou l’avocat des solutions proposées).

> Créer un droit d’alerte

Une autre manière d’éviter le réveil des egos consiste à créer un code ou droit d’alerte qui responsabilise chaque participant de la réunion dans l’alerte d’une dérive. L’illustration la plus insolite de ce principe, nous est proposée par Frédéric Laloux (Reinventing organisation), qui décrit l’usage de tingshas, cymbales tibétaines au sein d’une grande organisation hospitalière : au début de chaque réunion, une personne se voit confier la responsabilité de « sonner l’alerte » et de faire résonner le tingshas si elle perçoit que ce sont les egos qui parlent ou que l’échange dérive de son objectif initial. Le temps de résonance de la cymbale permet à chacun de prendre de la hauteur et d’auto-réguler l’échange après le silence imposé par le sonneur…

2- La forme de la réunion : collaboration vs compétition

La forme et les principes de la réunion influencent aussi fortement la posture de ses participants. A titre d’illustration, « La chasse à la meilleure idée d’innovation » induit forcément des comportements de compétition, un vainqueur et des perdants, voire des règles de chasse (n’allant pas, il faut l’espérer, jusqu’à la mise à mort …). Néanmoins, selon les principes d’Axelroad, les comportements de protection et de survie renforcés par les modalités de réunions (argumentation de la meilleure solution), conduisent nécessairement à des comportements non coopératifs, voire perdants-perdants.

> Des modalités collaboratives pour limiter les conflits d’intérêts

Si on veut limiter les conflits d’intérêts, les jeux d’influences qui peuvent dénaturer les objectifs collectifs de la réunion, on peut proposer des modalités qui se veulent collaboratives : modalités de propositions de solutions par tous, des formats d’argumentations collectives, ou des formats qui détournent la propriété des idées.
A titre d’exemple, un principe de réunion peut consister à confier l’analyse et la défense d’une idée, non pas à son auteur mais à un pair, évitant de manière structurelle la lutte d’influences et les conflits d’intérêts.

> Des règles du jeu bienveillantes pour générer du gagnant-gagnant

Enfin, les règles du jeu sont les garantes de la bonne coopération des acteurs de la réunion. A l’instar des inventeurs du UNO qui viennent de reposer les règles dénaturées par des années de surenchères de règles pour faciliter la chute des joueurs (vous avez surement vous aussi inventé la règle du cumul des pénalités !!), il est temps de re-fixer ensemble des règles de bonne collaboration et de coopération de nos réunions.

Ainsi, définissez un principe gagnant-gagnant ou de bienveillance : à titre d’exemple, pour prendre une décision collective, « vous devez compiler les arguments des différents participants et les objections et les mettre aux votes des participants », « pour identifier et faire avancer les idées d’innovation dans votre réunion, vous devez rebondir sur l’idée de l’autre en y apportant une précision ou une option ».

A vous de trouver vos règles du jeu en cohérence avec votre objectif de meeting…