|

Faites le plein d’idées pour manager en intelligence collective

Après avoir abordé la semaine dernière le fondement théorique et mathématique de l’intelligence collective, entrons aujourd’hui dans le vif du sujet et voyons comment celle-ci peut se mettre en œuvre concrètement pour des managers.

Manager en intelligence collective : convictions et outils

Rappelez-vous la formule mathématique ci-dessous vue dans l’article “Comment une réalité mathématique nous aide à comprendre l’intelligence collective ?”

En quoi cela nous intéresse-t-il en matière de management ? Et bien tout simplement parce que cette formule mathématique nous apprend une chose essentielle : en matière d’intelligence, le niveau d’expertise importe autant que la diversité des opinions. J’ai bien dit autant (enfin, c’est le théorème qui le dit). Donc si dans votre équipe, vous n’avez pas les plus grands experts dans leur domaine ni les plus intelligents, vous pouvez compenser en multipliant le nombre d’individus aux opinions très diverses.

Selon James Surowiecki (« La sagesse des foules »), l’intelligence collective requiert ainsi 3 ingrédients essentiels (car oui, sinon, une foule peut être bête… très bête, l’actualité nous le rappelle) :

  1. De l’indépendance d’esprit : chacun doit être capable de penser librement, d’avoir la liberté de ses jugements et de ses opinions.
  2. La diversité d’opinions : évoquée plus haut, c’est la diversité des opinions divergentes au sein d’une foule qui la rend plus intelligente. Donc plutôt que de chercher le consensus, il faut chercher à faire émerger toutes les divergences d’opinion.
  3. L’agrégation objective : c’est le mécanisme qui permet à une foule de prendre une décision en intelligence collective malgré la diversité des opinions (par un vote à la majorité, par le calcul d’une moyenne générale…).

De façon très concrète, cela a été prouvé par les résultats obtenus lors de l’exercice « Perdus sur la Lune » que vous connaissez peut-être. Nous l’utilisons beaucoup en formation pour sensibiliser un groupe à l’intelligence collective. Vous êtes perdus sur la Lune avec une liste de 15 objets à votre disposition. L’objectif est de les classer par ordre d’importance pour votre survie. D’abord individuellement puis collectivement. Les résultats sont ensuite comparés avec la liste établie par la NASA. Il a été démontré que dans 98% des cas, les résultats obtenus en groupe sont meilleurs que les résultats individuels (et pourtant, nous ne formons pas des équipages d’astronautes !)

Au sein de vos équipes, il est donc essentiel de mettre en place des outils, méthodes et protocoles favorisant l’émergence d’un grand nombre d’opinions diverses et variées. Cela implique un bon niveau de confiance, une liberté de parole, de la sécurité psychologique, du respect.

Dans le podcast « Outils du manager » (322 – Intelligence Collective – Olivier Margerand – YouTube) Olivier Margerand dirigeant de Digital Collab partage ses convictions et quelques outils d’intelligence collective. Partant du postulat qu’une équipe est plus intelligente que le plus intelligent de ses membres, il conseille par exemple d’écarter les « star » ou les « divas » qui nuisent à la dynamique du groupe par leur écrasante supériorité. Il affirme également que l’équilibre du temps de parole est un élément essentiel de l’intelligence collective. Il évoque enfin la place des femmes : en 2010, Emile Servan Schreiber a démontré que plus il y avait de femmes au sein d’un groupe, plus celui-ci gagnait en intelligence car elles ont naturellement une meilleure capacité d’écoute, d’empathie et de respect du temps de parole. Ça non plus ça ne vient pas de moi, ce sont les études.

Des outils simplissimes pour insuffler de l’intelligence
collective

Dans son interview, Olivier Margerand partage plus spécifiquement 3 outils très simples pour commencer à insuffler un peu d’intelligence collective dans vos équipes :

1. Le TRIP (Temps Individuel de Réflexion Préalable)

Quand une question émerge, quelle que soit son importance, plutôt que de lancer la conversation à bâton rompu, donnez d’abord au groupe 30-40 secondes pour que chacun réfléchisse individuellement à sa réponse à l’écrit. Procédez ensuite à un tour de table en « écrit -> lu » autrement dit, chacun lit exactement ce qu’il a écrit. Pas de débat, pas de commentaire. Cela permet de récolter de façon équilibrée les avis de toute l’équipe rapidement, favorise l’émergence de la diversité des opinions et augmente considérablement le niveau de réflexion du groupe.

2. Le débriefing à toutes les sauces

Usez et abusez du débriefing à l’issue de tous vos temps collectifs. L’objectif est d’entrer dans une démarche d’amélioration continue avec votre équipe. La façon la plus simple, à l’issue de chaque réunion :

  • chacun dit ce qu’il a aimé.
  • ce qu’il faudrait faire mieux la prochaine fois.

Vous pouvez aussi faire appel au fameux K.I.S.S que nous utilisons régulièrement en formation :

  • Ce qu’il faut garder (Keep).
  • Ce qu’il faut améliorer (Improve).
  • Ce qu’il faut arrêter de faire (Stop).
  • Ce qu’il faudrait commencer à faire (Start).

3. L’amélioration continue

Une fois par semaine, une réunion d’une heure selon l’agenda suivant :

  • En 15’ chacun donne sa météo. Il est essentiel de « déposer son sac » en début de réunion et le faire systématiquement. Cela permet d’augmenter le niveau d’empathie au sein du groupe.
  • 15’ de retour d’expérience, débriefing bref : ce qui s’est passé depuis notre dernière réunion.
  • 30’ pour un point que l’on souhaite améliorer collectivement : chacun propose un sujet, le groupe en choisit un (et un seul) à résoudre dans la demi-heure,de façon concrète, en intelligence collective.

4. Outils de décision collective

  • « Pas de véto » : la décision est acceptée si personne n’y oppose de véto.
  • Le « Décider ».Chacun se positionne :
    • Pouce vers le haut : je suis d’accord.
    • Main à plat : je me range à l’avis du collectif.
    • Pouce vers le bas : je ne suis pas d’accord (et dans ce cas, j’en explique les raisons). Dans ce dernier cas, on modifie la décision pour qu’il n’y ait plus de désaccord.

Ces petits protocoles sont très simples à mettre en place mais ils ont le pouvoir d’augmenter considérablement la performance d’un groupe. En les pratiquant régulièrement, les individus apprennent à se connaître, comprennent les façons de penser et les réactions de leurs collègues. L’empathie augmente et avec elle la capacité du groupe à entrer en coopération. La sécurité psychologique est aussi un facteur clé pour augmenter l’intelligence de votre collectif pour que chacun se sente libre de partager sa conviction car rappelons-le, c’est la diversité des opinions divergentes qui augmente le niveau d’intelligence d’une foule. Et ça, ce sont les mathématiques qui le disent !

Et pour en savoir plus sur la notion de sécurité psychologique, vous pouvez-vous lire notre article d’avril dernier sur le sujet : Performance, pourquoi la sécurité psychologique est clef ?