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Interview – Une soif de liberté bouscule les entreprises !

Damien Gauthier, dirigeant de Cinaps a participé à l’événement BIG organisé par Bpifrance, en octobre dernier. Retour sur une Masterclass qui parle de liberté et de responsabilité. Et si ces deux notions étaient des leviers de modernisation au sein des entreprises, porteuses de performance, d’innovation et donc de succès à long terme ? Et si après la crise sanitaire traversée, les entreprises devaient imaginer une nouvelle normalité pour répondre à des envies qui sont autres des collaborateurs, notamment une soif de liberté ? Comment faire alors évoluer la culture managériale pour aller vers des organisations plus responsabilisantes et « libérantes » ?

La crise du Covid nous laisse des sensations étranges. Nous avons été privés de nos libertés, et paradoxalement, en entreprise, nous avons expérimenté plus de libertés. Mais avons-nous conscience que liberté rime avec responsabilité ? Et comment responsabiliser les jeunes qui arrivent dans les entreprises aujourd’hui ?

Damien Gauthier – La responsabilité ne se demande pas. En revanche, on peut contribuer, au sein des entreprises, à amener les collaborateurs à co-décider ou à décider tout simplement. De grandes entreprises ont mis en place des concertations collectives. Cela responsabilise les collaborateurs, les incite à faire des choix, à prendre des orientations. Il est important d’amener les jeunes générations dans ces dynamiques collectives où chacun va apporter sa pierre à l’édifice. Elles vont leur permettre d’analyser, d’exprimer leurs idées, voir même de décider, et ainsi de développer cette responsabilité.  Et s’il y a responsabilité, les entreprises laisseront plus facilement de la liberté.  C’est un jeu très perméable.

Lorsque l’on évoque la liberté ou la responsabilité, on pense aux entreprises en mode d’auto-gouvernance. Cela remet en question le rôle des managers et des dirigeants. Pensez-vous que demain, nous irons de plus en plus vers des systèmes d’entreprise dites « libérantes » ?

Damien Gauthier – Ces organisations n’indiquent pas forcément la fin du management. Est-ce que nous irons tous jusque-là, je ne sais pas. En tous les cas, elles donnent un mouvement et poussent les entreprises à évoluer. Certaines laissent énormément de marge de manœuvre, de liberté d’action, de décision, et cela est vécu assez positivement. Maintenant, il faut tenir compte de la culture de l’entreprise, de la personnalité du dirigeant, du style de management. On ne peut pas calquer un système. Chaque entreprise a son modèle et va développer son propre mode de libération.

Mais ces courants contribuent à la mise en place d’organisations plus responsabilisantes et plus libérantes. Ces notions de liberté et de responsabilité permettent de gagner en performance, en motivation, en bien-être, et en qualité de vie au travail. Au final, le travail reprend du sens. Une chose est sûre, dans le monde dans lequel nous vivons, où tout s’accélère, les organisations se doivent forcément d’évoluer.


Finalement, la liberté et la responsabilité sont au service de la performance. Mais comment évaluer la performance au sein de ces entreprises libérantes ?

Damien Gauthier – Dans les entreprises responsabilisantes, on parle beaucoup de co-responsabilité : les collaborateurs sont responsables « ensemble » de l’activité de l’entreprise. C’est donc ensemble qu’ils décident d’un objectif de performance et qu’ils analysent le niveau de performance atteint. Ils doivent également se mettre d’accord sur la nature de cette performance : s’agit-il de performance économique ou sociale ?

Comment concilier liberté individuelle et adhésion à des objectifs communs ?

Damien Gauthier – Pour que cette liberté et cette responsabilité fonctionnent en entreprise, il va falloir partager des valeurs, décider ensemble de notre façon de fonctionner. C’est en co-élaborant et en partageant des visions communes, en instaurant des rituels, en organisant régulièrement des moments pour accompagner les collaborateurs que l’on va faire évoluer les représentations et gagner en efficacité et en performance collective. Installer de nouvelles façons de produire et de faire ensemble est en soi une évolution culturelle.

La liberté et la responsabilité peuvent aussi faire peur. Comment en tant que dirigeant instaurer ces démarches ?

Damien Gauthier – Ces démarches doivent être instaurées collectivement et ces fameuses évolutions de représentation dont nous venons de parler, sont à prendre en compte impérativement. Au travers de discussions organisationnelles, mais aussi de la co-construction d’une vision partagée, les collaborateurs vont pouvoir exprimer leurs craintes, leurs désaccords et leurs envies.  Sans cela, le risque est de voir les réticences ou les ressentis négatifs se renforcer.

Comment faire évoluer la culture et les postures managériales ?

Damien Gauthier – Beaucoup de choses peuvent être faites. L’entreprise qui veut changer sa culture doit se poser pour la penser. Dans un premier temps, il s’agit de déterminer de nouveaux repères managériaux, qui peuvent être des repères de bienveillance, de confiance, de responsabilité, d’autonomie, etc. Il faut être cohérent avec la stratégie d’entreprise, avec ce que l’entreprise a envie de faire, tant en termes de culture que de performance économique et sociale. Pour accompagner ses ambitions, une organisation va donc définir des repères managériaux et énoncer précisément ce qu’elle attend de ses managers. Cette démarche peut être co-construite avec les managers eux-mêmes.

Au-delà de ça, il faut communiquer auprès des managers et les accompagner pour modifier leurs pratiques à travers différents dispositifs, comme des formations, du coaching individuel ou collectif, des discussions organisationnelles, du codéveloppement, etc.

On a vu des entreprises qui ont eu de très belles réussites en la matière et qui ont en quelques années réussi à modifier profondément leur culture managériale. Ce déplacement culturel et collectif est très positif, il permet de changer la philosophie managériale et contribue aux performances de l’entreprise. Il n’y a bien entendu pas de recette magique, mais le plus important est de déployer des dispositifs très spécifiques, en fonction de la taille, de la culture de l’entreprise et de son contexte.

Quelle sera la néo-normalité du monde du travail ?

Damien Gauthier – Il m’est très difficile de répondre à cette question, car je ne sais pas lire dans une boule de cristal ! On remarque en effet des tendances, qu’il s’agisse du télétravail qui s’impose ou encore du nombre croissant d’indépendants, par exemple. Alors pour finir cet entretien, pourquoi ne pas faire un peu de science fiction. On peut facilement imaginer que les modes de collaborations entre les entreprises et les collaborateurs vont changer : les entreprises seront organisées de façon plus étendue avec un ensemble d’acteurs qui seront plus des partenaires que des collaborateurs. Ce changement d’organisation contribuerait largement à libérer les dynamiques de liberté et de responsabilité.

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