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Le discernement managérial à l’ère de l’intelligence artificielle

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) redéfinit en profondeur le rôle du manager. Libéré des tâches répétitives (reporting, planification, synthèse d’informations), le manager se concentre désormais sur des missions à plus forte valeur ajoutée humaine. Dans ce contexte de transformation, le discernement managérial devient la compétence critique pour allier performance technologique et leadership éthique et humain. Il s’agit de l’art de juger avec clarté et de faire des choix éclairés, en utilisant l’IA comme support, et non comme substitut de la décision humaine.

La symbolique des samouraïs nous a inspirés et éclairés sur ce sujet pour garder un usage éthique de l’IA. Face à l’intelligence artificielle, vous verrez que le Bushido nous offre un code de conduite rigoureux pour garantir que la technologie serve la probité et non le gain facile.

À travers de nombreux exemples, vous comprendrez comment développer le discernement managérial et utiliser l’IA à bon escient, pour augmenter votre efficacité et vous concentrer davantage sur l’humain.

Et si nous adoptions le « Seishin Tanren », une culture de l’esprit qui est toute autre ?
Le manager adepte du Bushido serait comme le samouraï des temps modernes : il sert l’organisation et son équipe avec courage (Yu), loyauté (Chugi) et droiture (Gi).

Le discernement : l’épée tranchante de la droiture (Gi)

La droiture est la capacité à prendre une décision juste, sans hésitation, même face au danger ou au désavantage. Le discernement est l’application de ce code moral à l’outil algorithmique.

Le courage (Yu)

Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la force de faire ce qui est juste malgré l’inconfort. Le manager doit avoir le courage de rejeter une recommandation IA qui serait performante mais immorale ou dommageable pour le client ou l’équipe (manque d’honneur).

Exemple : une IA propose une tactique commerciale agressive et quasi-malhonnête pour maximiser le trimestre. Le manager samouraï rejette cette approche, préférant la fidélité du client et l’intégrité de l’entreprise. Son discernement protège l’honneur de son équipe.

L’Entraînement du corps et de l’esprit

Comme le samouraï entraîne son corps et son esprit, le manager doit entraîner sa capacité de discernement.

  1. La discipline de l’examen : ne jamais accepter une donnée de l’IA sans la remettre en question. C’est la discipline intellectuelle qui combat la paresse mentale.
  2. Le respect (Rei) pour l’humain : les outils IA peuvent désigner des collaborateurs comme “peu performants”. Le discernement Bushido exige que l’on traite chaque membre de l’équipe avec respect, cherchant à comprendre la cause de la faiblesse et à offrir une opportunité de croissance (Meiyo – l’honneur de soi et des autres).

Exemple : l’IA identifie un collaborateur comme un « maillon faible ». Le manager n’agit pas selon la machine, mais accorde un face-à-face respectueux. Il découvre que le collaborateur a besoin d’une nouvelle arme (formation) ou d’un nouveau champ de bataille (changement de mission). Son discernement est un acte de loyauté inconditionnelle envers le potentiel de l’homme.

Après cette incartade, revenons maintenant à des considérations plus pratiques et actuelles, pour aborder le discernement managérial à l’ère de l’IA et son impact dans le quotidien du manager.

Libérer le manager des tâches répétitives

L’IA n’est pas une menace, mais une opportunité pour augmenter l’efficacité et la pertinence du management, à condition de l’utiliser avec discernement.

Déléguer à l’IA pour se concentrer sur l’humain.

L’un des premiers actes de discernement est de savoir identifier et déléguer à l’IA les tâches où elle excelle, pour maximiser le temps du manager sur le relationnel et le stratégique.

  • Exemple : la gestion du temps.
    • Sans discernement : un manager passe une heure à consolider manuellement les données de performance de son équipe pour un reporting.
    • Avec discernement : il utilise un outil d’IA qui génère la synthèse et le rapport en quelques minutes. Il consacre l’heure gagnée à un entretien individuel avec un collaborateur, ou à une réflexion stratégique sur l’évolution des compétences de son équipe face aux nouvelles technologies. L’IA gère les faits ; le manager gère le sens et écoute les émotions.

Utiliser l’IA comme support, pas comme substitut

Filtrer et contextualiser : la posture critique

Les outils d’IA (particulièrement l’IA générative) sont puissants mais peuvent générer des “hallucinations” (informations plausibles mais incorrectes) ou des recommandations basées sur des données incomplètes. Le discernement ici est la posture critique du manager face aux résultats de la machine.

  • Exemple : l’aide à la décision de recrutement.
    • L’outil IA : un logiciel d’IA analyse les CV et les données de performance passées pour suggérer un candidat “idéal” pour un poste.
    • Le discernement managérial : le manager utilise cette recommandation comme une hypothèse de travail, mais il la recoupe avec son intelligence contextuelle. Il sait que le candidat proposé, bien que techniquement parfait, a un profil qui pourrait ne pas s’intégrer dans la culture informelle de l’équipe existante, ou qu’il ne possède pas l’appétence spécifique pour un nouveau projet stratégique. Le manager décide alors d’auditionner le candidat “idéal” et un second candidat avec moins de données factuelles, mais un meilleur signal faible humain. L’IA apporte les données, le manager apporte l’évaluation du risque humain et la vision d’équipe.

Le discernement managérial se déploie selon trois axes fondamentaux qui sont mis à l’épreuve par l’intégration de l’IA : l’éthique, la relation et la stratégie.

*Lire aussi : « Comment développer un leadership éthique à l’ère de l’IA ? »

1/ Le discernement éthique : garantir l’équité

L’IA apprend des données passées. Si ces données contiennent des biais (conscients ou inconscients), l’IA les reproduit et les amplifie. Le manager discernant est le garant de l’équité et de l’éthique dans l’utilisation de l’outil.

  • Exemple : l’évaluation de la performance.
    • Un algorithme d’évaluation de la performance met en évidence une sous-performance chez les collaborateurs travaillant à temps partiel, car le modèle est uniquement entraîné sur le volume de production brute.
    • Le manager discernant remet en question l’indicateur brut de l’IA. Il identifie que la performance perçue est biaisée par le temps de travail et non par la qualité ou l’impact du travail. Il décide de corriger le modèle d’évaluation et s’appuie sur des critères qualitatifs (feedback client, coopération, autonomie) pour l’évaluation finale, reconnaissant ainsi l’apport singulier de chaque collaborateur. Il préserve l’équité, même contre les résultats bruts de la machine.

*Lire aussi « Ethique de l’intelligence artificielle » : une analyse critique, de Catherine Tessier.

2/ Le discernement relationnel : maintenir le lien de confiance

L’automatisation peut créer une déshumanisation des interactions et générer de l’anxiété chez les collaborateurs. Le manager doit faire preuve de discernement pour maintenir la cohésion et la confiance.

  • Exemple : le feedback et la reconnaissance.
    • L’outil IA : un assistant IA génère automatiquement des emails de feedback standardisés basés sur des indicateurs de projet.
    • Le Manager : il utilise la synthèse de l’IA pour préparer sa rencontre, mais refuse d’automatiser le message de reconnaissance ou de recadrage. Il sait que les signaux faibles (un regard fuyant, un silence inhabituel) et la lecture des émotions sont vitaux pour ajuster son message. Il mène l’entretien en face-à-face, s’appuyant sur les données pour être factuel, mais il injecte de l’empathie et du sens pour inspirer et motiver, choses que l’IA ne peut faire.

3/ Le discernement stratégique : anticiper la transformation

L’IA évolue vite. Le manager doit anticiper l’impact à long terme sur les métiers et les compétences. Il doit avoir le discernement nécessaire pour acculturer ses équipes et définir une vision durable.

  • Exemple : la gestion des compétences.
    • Un outil IA montre que 30% des tâches de l’équipe de data entry (saisie de données) seront automatisées d’ici 18 mois.
    • Le Manager : au lieu de simplement envisager des licenciements, il voit cela comme une opportunité de requalification. Il initie un plan de formation pour transformer ces collaborateurs en « prompt engineers » ou en analystes de données avancés qui superviseront et optimiseront les outils d’IA. Il utilise le temps libéré par l’automatisation pour une montée en compétence, garantissant la sécurité de l’emploi et la valeur ajoutée future de son équipe.

Le manager de demain est un « chef d’orchestre » qui maîtrise l’instrument technologique sans jamais céder sa baguette. Il sait conjuguer la rationalité de l’IA et la sagesse humaine pour un leadership hybride et éthique.

Les clés pour développer son discernement

  1. Maintenir une veille active et se former : l’apprentissage continu sur les capacités et les limites réelles des outils d’IA est essentiel pour ne pas se laisser déborder par la peur ou l’excès de confiance.
  2. Instaurer des espaces de discussion éthique : créer des temps d’échange avec l’équipe pour discuter ouvertement des usages, des craintes et des biais de l’IA. Le manager doit être le moteur d’une gouvernance IA transparente dans son équipe.
  3. Renforcer l’écoute active et l’observation : laisser du temps aux relations directes pour capter les signaux faibles. Le discernement est une sagesse pratique qui s’aiguise dans la confrontation à la réalité du terrain et des émotions.
  4. Assumer la décision finale : le manager doit accepter que, malgré les données de l’IA, la décision finale est un acte de management, engageant l’entreprise et les personnes.


    *Lire aussi : « 7 stratégies pour vous aider dans la prise de décision »

L’Intelligence Artificielle permet donc au manager de se centrer sur son rôle de facilitateur stratégique et humain. La machine apporte la vitesse et l’analyse, mais le manager détient le sens, l’éthique et la capacité d’arbitrage dans l’incertitude.

Le discernement n’est pas une compétence de l’IA, c’est la compétence distinctive qui garantira que l’entreprise et ses équipes restent maîtresses de leur destin à l’ère numérique.

Pour aller jusqu’au bout de notre métaphore, imaginez que l’IA est un puissant katana (sabre) entre les mains du manager. Il doit être manié avec une compétence technique irréprochable et une droiture morale absolue. Le discernement est l’âme du Samouraï moderne, garantissant que la force de l’outil est toujours subordonnée à l’honneur du guerrier.

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