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Comment trouver du plaisir
au travail ?

Même si le plaisir au travail est aujourd’hui reconnu comme un facteur clef de la motivation, dans les faits le plaisir au travail reste une notion peu étudiée dans le domaine du management. Même s’il est évoqué et sanctifié souvent comme une valeur cardinale dans les entreprises, la notion est souvent confondue avec celle de bonheur, de désir ou de qualité de vie.

Plaisir ou bonheur ?

Plaisir et bonheur ne sont pas de même nature et le bonheur n’est pas, comme on le dit souvent, une accumulation de plaisirs.

Les neurobiologistes distinguent le plaisir du bonheur en termes de neurotransmetteurs. Le plaisir fabrique de la dopamine. Elle est libérée par le cerveau lorsque nous vivons des expériences qui nous procurent des plaisirs immédiats et elle peut engendrer de l’addiction. Le bonheur sécrète lui de la sérotonine qui est un antistress qui génère de l’apaisement. Il est donc faux de dire que la dopamine est l’hormone du bonheur, elle est plutôt celle du plaisir. Certains spécialistes affirment même que la dopamine est l’ennemi du bonheur au sens où un excès de dopamine nous plonge dans un état de recherche permanente du plaisir (comme dans les cas d’addiction), nous empêchant d’être heureux. Trop de dopamine inhibe la sécrétion de la sérotonine.

Le plaisir serait le moment pendant lequel on satisfait un désir souvent matériel ou physique à court terme. Le bonheur lui est la recherche d’un état de sérénité et d’apaisement à plus long terme.
Les plaisirs sont de courte durée, le bonheur perdure.

En résumé nous pourrions dire que le plaisir est un état d’excitation alors que le bonheur est un état d’apaisement. L’apaisement venant généralement après la satisfaction d’un désir, plaisir et bonheur sont liés.

Les 4 sources du plaisir au travail

Dans son ouvrage « Le plaisir au travail, du savoir-faire à l’aimer faire » paru aux éditions Eyrolles, Francis Boyer présente 4 sources de plaisir au travail qu’il a identifiées à partir du questionnement de quelques milliers de personnes.

  • La source de plaisir au travail la plus souvent citée (56%) est liée au contenu de l’activité : l’autonomie, la variété des missions, le fait de réussir et de relever des défis, d’apprendre, de trouver des solutions par soi-même, de pouvoir imaginer de nouvelles idées ou solutions et le plaisir pris à réaliser certaines tâches que nous aimons.
  • La source de plaisir classée en deuxième position (32%) est liée à la relation : travailler dans une atmosphère de convivialité où règnent l’entraide, de coopération et la solidarité. Mais c’est aussi de pouvoir bénéficier de soutien affectif, d’aide, et de reconnaissance…
  • Vient ensuite une troisième source (8%) de plaisir liée elle à l’organisation. Elle se caractérise par le fait de se sentir en adéquation avec la stratégie de l’entreprise, ses valeurs et ses projets. Mais c’est aussi la sensation de travailler dans une entreprise dont la notoriété est établie et dont on est fier de la marque et des produits ou services qu’elle délivre.
  • Enfin, la quatrième source de plaisir au travail est liée aux conditions de travail (4%) : les horaires de travail, les moyens mis à disposition pour effectuer le travail, la rémunération, la fonctionnalité des locaux et la qualité de l’environnement matériel.

La conclusion de la recherche est intéressante car elle va à l’encontre de certitudes bien ancrées dans le monde du management contemporain :

L’aménagement des conditions matérielles de travail, la ludification du travail à grand ressort de babyfoot, de challenges sur jeux vidéo ou de toboggan n’agit que très marginalement sur le plaisir au travail.

De la même manière, la personnalisation des horaires de travail, les services visant à faciliter la vie dans l’entreprise comme les garderies ou les conciergeries n’impacte pas réellement le plaisir au travail. Ces initiatives sont plutôt liées à la qualité de vie au travail. Car tous ces aménagements ne permettront pas de compenser la souffrance ressentie lorsque l’on est amené à réaliser continuellement des activités que l’on n’aime pas.

Si donner du sens permet aux personnes de mieux comprendre ce que l’on attend d’elles, cela ne permet pas non plus de générer plus de plaisir au travail dans les activités au quotidien des collaborateurs.

 

Les deux principales sources pour développer le plaisir au travail :

Elles résident dans :

1- la capacité des managers à confier à leurs collaborateurs des activités dans lesquelles ils s’épanouissent.

2 – la construction d’un environnement de travail coopératif et solidaire.

Sur le premier point, une bonne pratique de management consisterait à faire évaluer par le collaborateur le degré de plaisir ressenti dans les activités qui lui sont confiées ou les objectifs qui lui sont proposés. Si plus de 50% de ces éléments sont sources de déplaisir, le manager doit alors repenser avec son collaborateur ses activités et ses objectifs.

Un blocage culturel à dépasser

Parler de plaisir au travail semble dans bien des esprits contradictoire voire impertinent tant la notion de travail est associée à l’effort et à la souffrance et ces thèmes valorisés dans notre culture. Celui qui réussit en prenant du plaisir et qui l’affirme est vite taxé de dilettante et au pire d’amateur peu sérieux.

On a coutume de considérer que la performance au travail est la résultant et la combinaison de 3 facteurs : le savoir-faire (la compétence), le pouvoir-faire (les conditions de travail) et le vouloir-faire (la motivation).  Francis Boyer dans son ouvrage, nous invite à considérer une quatrième dimension qu’est « l’aimer-faire ». La compétence certes mais « l’appétence » aussi. Car sans appétence il n’y a pas de compétences ni de performance durable.

Mais la recherche d’un plus grande équilibre entre compétence et appétence ne peut être le seul fait du manager. Il suppose aussi de la part du collaborateur une réflexion sur ses propres appétences et la capacité à les déclarer, ce qui culturellement est loin d’être simple dans le contexte de l’entreprise aujourd’hui. Les personnes pouvant craindre d’être mal vues si elles exprimaient ce qu’elles aiment ou n’aiment pas dans leur travail. De plus les collaborateurs devront être en capacité de proposer des solutions pour augmenter leur plaisir au travail. Le manager lui, devra aménager les conditions pour que, dans une sécurité psychologique garantie, les collaborateurs puissent déclarer leurs appétences et envisager leur évolution professionnelle non plus seulement à travers le prisme de la compétence mais aussi à travers celui de « l’aimer faire ».

On le comprendra, c’est à une véritable révolution culturelle et identitaire à laquelle nous invite la prise en compte de l’appétence et du plaisir dans le travail.

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